Blessée, la bête est plus dangereuse

Le projet de Donald Trump n’est en rien secret. Il veut que les États-Unis retrouvent la place de première grande puissance qu’ils sont en train de céder, avant qu’il ne soit trop tard. Pour y parvenir, il bat ses cartes en profitant de sa supériorité financière et militaire. Car ces deux-là sont intactes, à l’inverse d’une supériorité économique déclinante.

À l’offensive sur le terrain commercial, les États-Unis s’efforcent de relocaliser leur industrie et de porter un coup d’arrêt au déclassement des classes moyennes inférieures qui font les frais de l’amenuisement de l’emploi industriel. En s’opposant avec les moyens du bord à la hausse des taux de la Fed et à celle du pétrole, Donald Trump tente de créer les meilleures conditions pour que son plan de relance ne se résume pas à un feu de paille. Sa politique a le mérite de la cohérence, mais elle se heurte à un endettement public qui s’accélère encore et accroit l’endettement privé des particuliers, leur capacité d’endettement étant de plus en plus mobilisée par le crédit à la consommation et automobile, ainsi que la dette étudiante, au détriment du crédit immobilier.

C’est sa carte de la dernière chance, ce qui explique son comportement de voyou qui n’a rien à perdre, et qui rompt avec les usages diplomatiques en déstabilisant aussi bien ses adversaires que ses partenaires historiques. Car il ne peut jouer qu’une seule carte à la fois dans une arène commerciale internationale qui est unique.

La cause est entendue, la mondialisation connaît un coup d’arrêt, chacun renvoyé à la défense illusoire de ses intérêts à l’ancienne mode. La perspective de sa refondation est à peine ébauchée dans quelques discours, mais le G20 ne prend pas le problème à bras-le-corps comme il a prétendu le faire il y dix ans (1) en régulant le système financier. Décidément, le capitalisme financier ne se caractérise pas par une propension exagérée à se réformer… Par contre, il manifeste une grande capacité à pratiquer la fuite en avant !

La guerre commerciale engagée en solitaire par Donald Trump débouche sur le chacun pour soi et non pas sur une nouvelle organisation du commerce international. Et les escarmouches de la guerre monétaire à laquelle on assiste témoignent que, si celle-ci se rapproche, les États-Unis ont pour le moment les moyens de la contenir. On touche-là à une question vitale pour eux, car une réforme du système monétaire international signera la fin de leur prééminence mondiale.

Les dirigeants chinois ont de longue date compris que précipiter les choses à ce sujet revenait à ruer dans les brancards et n’était pas la bonne méthode. Ils préconisent une approche progressive de longue haleine. En attendant le moment propice, le dollar conservera sa première place dans les réserves des banques centrales tout en voyant son poids continuer à diminuer dans les échanges commerciaux. En raison notamment d’un phénomène de « dédollarisation », auquel commencent à souscrire les pays « émergents », dont la Chine et la Russie, lorsqu’ils commercent entre eux. Ou quand Jean-Claude Juncker relève l’absurdité d’éditer en dollars les factures d’Airbus.

Les exigences de Donald Trump vis-à-vis de la Chine ne sont pas davantage masquées. Il a l’intention de contrer l’ouverture de la Route de la Soie et de ralentir la réalisation de l’Agenda 2025 consacré aux nouvelles technologies – les deux grands vecteurs du développement économique de Xi Jinping – ainsi que d’œuvrer à l’ouverture accélérée du système financier chinois et de faire respecter la « propriété intellectuelle », c’est à dire les brevets. À la mesure de ce vaste programme, on comprend que les affrontements en cours sont destinés à durer. Et que l’Europe prise entre deux feux risque d’en faire les frais.

Pour compléter le tableau, la puissance militaire américaine est déployée sur toutes les mers, dans les airs et déjà dans l’espace. Et les stratèges fondent beaucoup d’espoirs dans l’automatisation des armements terrestres, afin de réduire au maximum l’envoi de troupes au sol où elles sont particulièrement vulnérables. La robotisation du soldat est en cours, et des partenariats avec des armées régionales vont par ailleurs y contribuer. Le Moyen-Orient est avec l’Iran le théâtre rêvé d’une intervention en alliance avec Israël.

Avant d’en arriver là, on voit déjà comment l’administration américaine est en mesure d’imposer à ses « alliés » des mesures de boycott financier de l’Iran en les menaçant de mesures de rétorsions économiques.

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(1) Le même phénomène est survenu lors de la crise financière, sa stabilisation n’est toujours pas garantie faute d’avoir réorienté l’activité financière vers son but premier : financer l’économie et non la spéculation. De par sa complexité et son opacité, le fonctionnement du monde financier reste sujet à de nombreuses inconnues et les mesures de régulation, bancaires pour l’essentiel, sont loin de l’épuiser.

4 réponses sur “Blessée, la bête est plus dangereuse”

  1. F.L. : … » La robotisation du soldat est en cours « …
    Et même Mars s’en mêle…
    3 minute merveilleuses, 35 ans d’une vie..les maths appliquées dans toute leur splendeur…le vent (même solaire..) comme seul moteur… succès et échec..aucun renoncement..Pourvu que la NASA ne soit pas = à TRUMP…

    https://www.youtube.com/watch?v=LewVEF2B_pM
    Trop beau.

  2. Enfin, vous passez aux aveux M. Leclerc : ) en écrivant que, “le Moyen-Orient est avec l’Iran le théâtre rêvé d’une intervention en alliance avec Israël.”
    Cela répond enfin à la question que je vous posais, il y a quelques mois : « … mais une aventure militaire arrivant à point nommé ne peut être exclue. » Vous m’aviez répondu alors que vous ne pensiez à rien de particulier. Les choses ont donc évolué…
    Enfin, si c’est vraiment le cas, il faudrait que Israël, en alliance avec… fasse très attention. Ils ne sont peut-être plus les seuls à avoir une stratégie.
    À quoi pensé-je ? Non, à rien de particulier.

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